« Du buzz sur la misère des gens » : la colère de l’ancien boxeur star Julien Lorcy, confondu avec un SDF par un influenceur

La vidéo postée sur des comptes Instagram ou TikTok et mise en ligne il y 10 jours dure deux minutes. Elle a, depuis, déjà été vue plus 2,5 millions de fois. Un homme se filme en train de secourir un homme couché, à demi inconscient, sur le trottoir, s’apparentant à un sans-abri. Celui-ci est blessé, sans doute frappé. « Je suis boxeur, un gitan » balbutie-t-il. L’homme qui filme lui offre de l’aide. Il va à la pharmacie la plus proche, pose de l’alcool et une pommade sur la plaie à l’arcade du SDF puis lui propose d’aller lui acheter à manger, une paella sous vide, toujours en se filmant. La vidéo a été tournée à Nice. « Cela me vient de ma mère, elle m’a appris à toujours aider. J’ai pris son relais. C’est une habitude pour moi d’aider un maximum de monde. Je suis seul et je regarde s’ils vont bien, je leur offre à manger. C’est ce que je fais chaque jour » plaide l’homme à la caméra qui se prénomme Lorenzo, plus connu sur les réseaux sous le nom de « le Napolitain » (600.000 followers sur TikTok, 50.000 sur Instagram) où il se met en scène quasi quotidiennement en train d’aider des personnes démunies. View this post on Instagram Au bout de ces deux minutes, le vagabond donne son identité : Julien Lorcy . Sans aller le plus loin, il se présente comme l’ancien champion du monde de boxe, détenteur de la ceinture mondiale WBA des légers entre 1999 et 2001, un des plus grands champions français de ce sport. Sauf qu’il ne s’agit pas de Julien Lorcy, aujourd’hui âgé de 53 ans. Le boxeur nous le précise sans avoir besoin de nous convaincre. La personne dans la vidéo ne lui ressemble que vaguement. « Ma maman m’a appelé en disant : Julien, on dit que tu as été SDF ! Je lui ai répondu : Maman, tu vois bien que ce n’est pas ma tête . Des copains m’ont appelé pour me dire tu es SDF, viens à la maison . Le bon côté est que cela me permet de voir qu’il y a des personnes qui me donnent de la considération, et c’est réconfortant ». Il poursuit : « Je le dis à tout le monde : ce n’est pas moi ! Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne me drogue pas. Et si j’avais besoin de quoi que ce soit, ma communauté des gens du voyage ne me laisserait pas dans la rue ». « Un SDF dans la misère, vous lui donnez 50 euros, il dit qu’il s’appelle Brad Pitt » L’ancien boxeur n’entend pas que les choses en reste là. Il y a quelques jours, il a publié sur X le récépissé d’un dépôt de plainte pour escroquerie et dénonciation mensongère. « J’ai porté plainte contre l’influenceur, pas contre le SDF, précise-t-il. C’est de l’escroquerie, une usurpation d’identité. J’ai confiance en la justice et c’est elle qui statuera, je n’en demande pas plus. Je souhaite qu’elle soit exemplaire car je ne veux pas que ce genre de mésaventure arrive à d’autres ni à mes copains. » L’auteur de la vidéo jure qu’il n’y a « aucune mise en scène » Le quart de finaliste des Jeux à Barcelone en 1992 insiste : « Tout ça est une mise en scène. Le gars a été briefé. Tu vas dire que tu t’appelles Julien Lorcy. Un SDF dans la misère, vous lui donnez 50 euros, il dit qu’il s’appelle Brad Pitt. C’est le problème de cette nouvelle génération qui est prête à faire n’importe quoi pour du buzz sur la misère des gens. C’est déplorable. ». Une affirmation que réfute avec force « le Napolitain ». « Je jure sur la tête des miens et devant Dieu qu’il n’y a aucune mise en scène, clame-t-il. J’ai croisé ce SDF comme j’en rencontre chaque jour. Je ne l’avais jamais vu et ne le reverrai peut-être jamais. Il m’a eu moi aussi. Il m’a dit qu’il s’appelait Julien Lorcy et je l’ai cru. Il lui ressemblait un peu, il parlait comme lui, un peu gitan, il me disait qu’il venait de Paris. Je n’avais en outre aucune raison de vouloir du mal à M.Lorcy. Je me souviens que je le regardais quand il boxait. J’aurais dû vérifier si c’était bien lui. J’ai été naïf. » « Du voyeurisme malsain » Depuis la mise en ligne de ces quelques images, l’ancien champion d’Europe poids plumes et légers reçoit des soutiens de toutes parts. « Jean-Marc Mormeck est outré. Il dit : On n’a pas le droit de faire une usurpation d’identité comme ça. Et en même temps, le mec a eu le culot de mettre quatre photos de moi. Donc il s’est renseigné. Il a regardé ma page Wikipédia, il a vu que j’étais boxeur, champion du monde, même que j’étais gitan issu de la communauté des Yéniches. C’est un coup monté. » Pierre Lorcy, son grand frère lui aussi boxeur, enchaîne : « C’est du voyeurisme malsain. Moi quand je donne 5 euros à quelqu’un à un feu rouge, je ne m’en vante pas en me filmant. Personne ne le fait, enfin si les influenceurs ». Ce à quoi « le Napolitain » répond. « Si je ne filme pas, je n’ai pas de financement. Je n’ai pas l’argent pour aider tout ce monde-là. En filmant, j’en gagne et je pense que l’argent de TikTok est bien utilisé ici pour faire du bien. Le principe est que des gens font des dons sur une cagnotte. Avec les dons, j’achète par exemple de la nourriture. Je fais ma vidéo et après, moi, je gagne de l’argent dessus. C’est mon gagne-pain. » « S’il veut aller au tribunal, qu’on y aille » Pourquoi le nom de Julien Lorcy, qui a pris sa retraite sportive il y a presque 20 ans, est-il sorti de la bouche de ce SDF à l’autre bout de la France reste un mystère ? « Moi, ça va je suis fort, dit le vrai Lorcy. Je m’en sors même si cela a des conséquences sur ma vie, mon travail. J’ai une salle de boxe à Claye-Souilly (77) et j’envisage d’en monter un peu partout. J’ai des contacts pour des futures affaire, une réunion que je veux organiser au printemps. Cela nuit à ma réputation... Cela fait souffrir mes deux plus jeunes enfants. Si cela arrivait à des personnes fragiles, cela pourrait avoir des conséquences dramatiques. Il ne faut pas laisser passer ce genre de choses ». Pour le moment, Lorenzo refuse de retirer la vidéo polémique de ses réseaux. « Je l’aurais fait volontiers si M.Lorcy était entré en contact avec moi avant de porter plainte. On aurait discuté. Mais il est allé au commissariat moins de 24 heures après la diffusion. Cela ne m’a pas plu. S’il veut aller au tribunal, qu’on y aille. Moi, je n’ai rien à me reprocher et je n’avais aucune intention de blesser quiconque ».