Monet, Courbet, David, Hokusai… Cinq chefs-d’œuvre à voir pendant les vacances de Noël

Certains repartiront à la fin d’une exposition, dans un mois. D’autres sont là pour longtemps, mais pas forcément si connus. Voici notre cinq majeur de la peinture qui chavire. À voir actuellement à Paris ou à Chantilly (Oise). « Soleil couchant », l’autre Monet Les néophytes subissent parfois un choc, dans les collections permanentes du Petit Palais, en tombant sur ce Monet : mais comment, cet orangé parfait bien centré au milieu du tableau sur un paysage d’aube au fond gris, ce n’est pas le mythique « Impression soleil levant » qui a donné son nom à l’impressionnisme ? Non, celui-ci se trouve au musée Marmottan. Mais c’est son jumeau, un soleil… couchant. Tout aussi beau. Après l’aube, le crépuscule. « Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d’hiver », son titre exact, Monet l’a peint huit ans après le chef-d’œuvre originel. Il souffre, les affaires ne marchent pas fort, la Seine gèle, mais lui endure. Il peint sur le motif, par des températures polaires de 1880, ces effets de brume froide dans un village de la région parisienne. Sa capacité à saisir l’éphémère et l’instable des couleurs du crépuscule fait merveille. Le tableau de 1872, peint au Havre, a été tellement vu qu’on en a perdu l’impression de surprise. Ce « Soleil couchant » nous y ramène. Petit Palais (Paris VIIIe). Entrée gratuite pour les collections permanentes. Courbet le « Désespéré » Ce n’est pas une expo, mais ce n’est pas pour toujours non plus. Depuis mi-octobre, et pour au moins cinq ans, un chef-d’œuvre longtemps caché de Gustave Courbet (1819-1877 ) est accroché en majesté dans l’une des premières salles du Musée d’Orsay : « Le désespéré », autoportrait de jeunesse. Une image que tout le monde connaît, qui a servi à illustrer plusieurs couvertures de livres de poche — de Maupassant à Dostoïevski — pour exprimer la terreur, l’angoisse, la folie, à travers ce regard exorbité, affolé, ces mains qui se prennent la tête. Le tableau n’avait pas été vu en France depuis 2008. La peinture, en collection privée, avait même disparu des radars. Jusqu’à l’annonce, en octobre dernier, de son prêt exceptionnel par le consortium Qatar Muséums au musée d’Orsay, jusqu’à la création à Doha du Art Mill Museum, prévu en 2030. Le premier choc pour les connaisseurs a d’abord été de découvrir que cette icône de la peinture française serait donc passée sous pavillon qatarien. Il est probable que celle-ci, à terme, voyage entre le musée de Doha et celui de Paris. Un tableau qui fait parler les visiteurs : pourquoi le jeune Courbet fait-il cette tête-là ? Peine d’amour, souci d’argent, stress… Le maître du réalisme l’a peint à 25 ans dans l’atelier de son professeur, sans doute comme un objet d’étude, une figure imposée, la représentation d’une émotion forte. « On ne peut pas se dérober à ce face-à-face. Le regard est très énigmatique : est-il terrorisé par quelque chose qu’il voit devant lui, ou par ses tourments ? Courbet était un grand mélancolique », explique Isolde Pludermacher, conservatrice générale des peintures à Orsay. Musée d’Orsay (Paris VIIe) , 16 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Un Marat peut en cacher un autre C’est l’une des images les plus connues de nos manuels scolaires et de l’Histoire de France, de la Révolution : le « Marat » de Jacques-Louis David (1748-1825), l’assassinat du tribun et journaliste proche de Robespierre par Charlotte Corday. L’exposition que le Louvre consacre au peintre nous apprend qu’il existe au moins trois tableaux de cette scène. Plus étonnant : la « vraie » version, originelle, réalisée par David et non son atelier, se trouve non pas au Louvre mais dans les musées royaux de Belgique, où le peintre napoléonien s’est exilé lors de la Restauration. Et au jeu des sept différences, le premier tableau de David - qu’il a ensuite répliqué avec son assistant - est de loin le plus beau : un fond plus travaillé, une signature qu’on ne retrouve pas dans les autres versions, et de petits détails qui varient. Sur le portrait de Marat - ami proche, équipier politique, que le peintre, très engagé dans la Révolution auprès de Robespierre, avait vu le jour même de son assassinat, peu avant le coup de poignard de la Normande Charlotte Corday - la meurtrière elle-même disparaît. Le fait divers s’efface - un peu de sang, un couteau rougi au pied de la baignoire - au profit d’une méditation sur la mort. Musée du Louvre (Paris Ier) , 22 euros, jusqu’au 26 janvier. « La vague » d’Hokusai surfe sur le manga C’est la Joconde de l’art asiatique, connue comme « La grande vague », ou plus exactement « Sous la grande vague au large de Kanagawa ». Hokusai, le maître de l’estampe japonais, l’a réalisé autour de 1830. L’artiste innove par le choix du paysage, quand beaucoup d’estampes se consacrent alors aux portraits d’acteurs et de courtisanes, et aussi par la série. Cette vague immense, où la crête neigeuse du volcan en arrière-plan répond au blanc de l’écume, fait en effet partie de sa série « 36 vues du Mont Fuji ». Un chef-d’œuvre que le Musée Guimet expose très rarement, en raison de sa fragilité à la lumière. Mais une salle de l’exposition « Manga, tout un art ! » - qu’on visite très facilement en famille - lui est consacrée cet hiver. Cette vue n’est pas un manga, mais en a influencé beaucoup. Elle est ici entourée d’autres dessins, contemporains, qui s’en inspirent directement, de Manara à Coco. Une grande vague de fraîcheur. Musée Guimet (Paris XVIe), tarif : 8-12 euros, jusqu’au 26 janvier. Trois grâces à Chantilly Il faut aller jusqu’à Chantilly, dans l’Oise, puis au cœur du musée Condé du château, dans la salle la plus petite et la plus précieuse, le « Sanctuario » ou sanctuaire. Le Duc d’Aumale l’avait créée ainsi, au XIXe siècle, pour abriter la pépite de sa collection : « Les Trois Grâces » de Raphaël, réalisé en 1504-1503 par le troisième génie de la Renaissance avec Leonard de Vinci et Michel-Ange, ses exacts contemporains. Un tout petit tableau - 17 cm sur 17 cm - qui concentre le génie du peintre « divin », son surnom : des dizaines de dessins pour atteindre une virtuosité qui fait vibrer la beauté de ces trois jeunes femmes, déesses de la mythologie. Chantilly abrite la plus grande collection de peintures anciennes de France après le Louvre. Offrez-vous un beau cadeau de Noël, visitez-la. Musée Condé, Château de Chantilly (Oise) , de 14 à 18,50 euros, gratuit pour les moins de 7 ans .