Voir le Steaua Bucarest apparaître au palmarès de la Ligue des champions ? Un mystère pour les amateurs de football de 2025. Pourtant cet unique sacre du club roumain pourrait se résumer à un nom, quatre arrêts et un quart d’heure d’apothéose. Quatre ans après la fameuse « Nuit de Séville », le « Héros de Séville » est né. Le 7 mai 1986, Helmuth Duckadam plonge trois fois sur sa droite, une fois sur sa gauche et ses gants trouvent toujours la trajectoire du ballon lors de cette séance de tirs au but historique contre le FC Barcelone (0-0, 2-0 aux t.a.b.). « Urruti », le gardien adverse, a beau détourner deux tentatives roumaines, ce qui peut déjà être considéré comme un exploit, cela ne suffit pas à éclipser l’œuvre de Duckadam, qui place ainsi son club au sommet de l’Europe pour la première et unique fois de son histoire. Quelque 39 années plus tard, Matvey Safonov a réalisé une performance similaire sur la scène certes bien moins étincelante de la Coupe intercontinentale mercredi. L’occasion de se replonger sur la trajectoire de l’« Étoile de Séville », éteinte en décembre 2024 . Sa recette pour un tel miracle : de la psychologie de gardien et une concentration totale sur « chaque tir au but ». « C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne me suis pas rendu compte qu’on avait gagné le match après le quatrième tir barcelonais », glissait-il à Eurosport en 2022. Thrombose Cette fabuleuse « clean sheet » rendue en finale de C1 suffit à transformer Duckadam en icône du sport roumain. Elle lui vaut une ligne dans le Guinness Book des records et une 8e place au classement du Ballon d’or. Cette séquence offre également une respiration aux footballeurs et au peuple roumain, à l’époque sous la dictature de Nicolae Ceausescu . « Quand on est rentré le lendemain, plus de 15 000 personnes nous attendaient à l’aéroport, racontait le gardien en 2013. C’était une atmosphère fantastique qu’on ne connaît qu’une fois dans sa vie, ou même jamais. » Ce constat s’applique plus au cas du Roumain qu’à n’importe qui d’autre. Le soir de la finale, le mal qui va lui scier les ailes est déjà implanté dans son corps, alors âgé de 27 ans. « Quelques mois avant la finale à Séville, j’ai eu des douleurs et des engourdissements dans le bras droit. Après plusieurs examens, les médecins n’ont pas réussi à découvrir ce caillot de sang, rappelait le gardien à Eurosport. S’ils l’avaient trouvé, je n’aurais pas disputé la finale de Séville. J’ai eu de la chance de la jouer. » Opéré d’urgence deux mois plus tard, il échappe de peu à l’amputation. « Les médecins ont réussi à sauver mon bras mais ma carrière était terminée », expliquait-il en 2022, deux ans avant sa mort. Son compteur de sélections avec l’équipe de Roumanie reste bloqué à deux capes. Il ne retrouve les pelouses que trois ans plus tard, en D2 chez lui à Arad. Une voiture et une visite de la police Mais ce diagnostic d’une thrombose ne convainc pas tout le monde. Pour expliquer la chute de Duckadam, différentes histoires circulent. Il aurait été abattu par le régime après avoir reçu une voiture du roi d’Espagne. Une version moins fantaisiste - mais plausible au regard du contexte - est relayée avec davantage de conviction. Elle est même retranscrite dans « Libre Arbitre, Onze histoires loyales ou déloyales du football mondial » de Dominique Paganelli. Le soir de la finale de Coupe des champions, un émissaire du Real Madrid aurait promis au personnage principal de cette histoire une Mercedes 190E. Un cadeau du président de la « Casa Blanca », Ramon Mendoza, en guise de remerciement pour le plaisir de voir le rival barcelonnais défait sur la dernière marche. Cette voiture aurait rendu Nicu Ceausescu, le fils cadet du dictateur, fou de jalousie. Face au refus du gardien de lui céder la voiture, ce dernier aurait envoyé la Securitate chez le footballeur. Les hommes de la police politique lui auraient alors brisé ses phalanges, ses poignets et sa carrière dans le même mouvement. Selon un autre récit, il est question d’une tronçonneuse, de bûcheronnage et d’un accident, mais à l’arrivée, le mystère persiste et le résultat est le même. Celui d’une fin de carrière prématurée. Par la suite, Duckadam est devenu le président du Steaua Bucarest, devenu FCSB après une bataille judiciaire avec le ministère de la Défense. Il est mort en décembre 2024. « Quand je n’existerai plus, mes petits-enfants pourront encore être fiers du nom de Duckadam, du fait que j’ai réussi quelque chose dans ma vie », avait-il livré à l’AFP.