ÉDITORIAL. Un sondage de l’institut Demoscope le révèle: une majorité de Suisses sont favorables à l’adoption par la Suisse du Traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires. Une initiative sera déposée mardi dans ce sens. Pour l’heure, le Conseil fédéral fait la sourde oreille Le dernier film de Kathryn Bigelow, A House of Dynamite, nous fait prendre conscience de l’angoisse provoquée par le tir d’un missile balistique intercontinental et des quelque vingt minutes pour préparer la riposte. Le propos de la réalisatrice d’Hollywood ne tombe pas à un moment anodin. Il coïncide avec une relance de la course aux armes nucléaires. Les quelques hibakusha (survivants d’Hiroshima) qui vivent encore sont catégoriques. Ce n’est pas une bonne nouvelle. Certains diront que les armes conventionnelles tuent massivement à Gaza, au Soudan ou en Ukraine, alors que l’arme atomique n’a plus fait de victime depuis 1945. Pourtant, dans un monde multipolaire très instable qui n’a rien à voir avec celui de la Guerre froide, l’arme nucléaire est un pari que l’humanité ne peut pas se permettre de prendre. L’irrationalité de dirigeants autoritaires, les erreurs de calcul et de perception sont autant de risques que même les doctrines militaires les plus sophistiquées ne peuvent éliminer. Rappelons-nous la crise des missiles de Cuba de 1962, qui aurait pu se transformer en cataclysme atomique. Ou encore l’épisode de 1983, où l’humanité était passée à un cheveu de la catastrophe après une fausse alerte au sein du système de défense soviétique. Lire aussi: EXCLUSIF Une large majorité de Suisses favorables au Traité d’interdiction des armes nucléaires En Suisse, un sondage, dont Le Temps présente les principaux résultats, révèle qu’une large majorité de citoyens se disent favorables à ce que leur pays adhère au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), adopté par l’ONU en 2017. De plus, mardi, l’initiative populaire exhortant la Confédération à signer et ratifier le TIAN sera déposée à la Chancellerie fédérale. Autant de signaux qui prouvent qu’en la matière le Conseil fédéral est en porte-à-faux avec la population et les Commissions de politique extérieure du parlement, qui avaient approuvé une motion appelant à l’adoption du traité. Incompatible avec le droit humanitaire Plusieurs arguments justifiant la non-ratification du TIAN ne tiennent pas la route. Le traité onusien n’est aucunement incompatible avec le régime de non-prolifération nucléaire (TNP) mis en place à la fin des années 1960. Il comble d’ailleurs une lacune, les puissances atomiques ne respectant pas l’article VI du TNP selon lequel elles devraient s’engager à désarmer. Autre argument: en adhérant au TIAN, la Suisse se rendrait coupable d’égoïsme sécuritaire. Là aussi, rien n’empêche que la Confédération apporte, à l’image de l’Autriche ou de l’Irlande, sa contribution à la sécurité européenne en coopérant avec l’Alliance atlantique tout en étant un Etat partie au TIAN. Lire aussi: De quoi parle Donald Trump en ordonnant la reprise des essais nucléaires aux Etats-Unis? La Suisse, gardienne, à travers le CICR, des Conventions de Genève, ne devrait pas avoir peur d’assumer son positionnement international unique. A l’heure où le droit humanitaire est bafoué de toutes parts, elle devrait avoir le courage d’en prendre la défense. L’arme nucléaire est incompatible avec le droit humanitaire. Le TIAN a créé une nouvelle norme pour l’interdire. Le peuple suisse semble l’avoir compris. Au Conseil fédéral de le reconnaître.