Gaël Fickou, tête baissée, regard rivé vers ses claquettes et le carrelage de la salle de presse de Jean-Bouin, attend que son coach Patrice Collazo en ait fini avec ses obligations médiatiques pour, à son tour s’installer face aux micros. L’expérimenté trois-quarts centre du Racing 92 et des Bleus sait très bien par quelle question il va être accueilli : comment lui et les Racingmen, meilleurs dans le jeu, en tête avec sept points d’avance et la possession à quelques secondes de la fin des 80 minutes réglementaires, se sentent après avoir trouvé le moyen de se sortir de ce derby avec un match nul (20-20) on ne peut plus frustrant ? « On est déçus, tout simplement, lâche le trois-quarts, auteur de l’essai qui a permis de passer en tête à la 58 e . On doit gagner ce match, et ça nous échappe à la fin. » Ces quelques instants à la 80e, à la fois dingues et maladroits, où le Stade Français a vu la lumière et une ultime possibilité d’éviter la défaite. « On savait qu’il y aurait encore une opportunité » Plusieurs secondes plus tôt, une offensive parisienne dans les 22 mètres du club des Hauts-de-Seine s’est soldée par une nouvelle pénalité concédée aux Racingmen, pourtant en infériorité numérique après le carton jaune de Manu, après un impressionnant grattage du massif Josua Tuisova. Les joueurs de la capitale, résignés, reculent tête basse. « C’était dur, mais on savait qu’il y aurait encore une opportunité », glisse l’ouvreur du Stade Français, Louis Carbonel. Les Racingmen vont en touche, se font contrer, mais expédient de nouveau le porteur de balle du Stade Français, Thibaud Motassi, en touche. La donne est simple : il faut assurer le lancer, puis expédier le ballon hors du terrain pour que l’arbitre siffle la fin du match et offre le derby au Racing 92. Nouvelle tentative ? Nouveau contre parisien. Léo Carbonneau se couche malgré tout sur la balle, mais un puissant contre-ruck parisien redonne la possession aux joueurs de la capitale. Jean-Bouin se réveille et entraperçoit le renversement de situation, ou au moins une fin de match haletante. « On a ces deux touches que l’on doit maîtriser et sortir proprement parce que le match, il est gagné à ce moment-là », peste Fickou. « Il nous reste juste à gérer, mais malheureusement ça ne tourne pas de notre côté », abonde son capitaine, Romain Taofifenua. « On peut tourner le truc dans tous les sens, ils jouent leur va-tout à ce moment-là, c’est du poker… Ça ne s’est pas joué là », évacue leur manager Patrice Collazo, plus désireux de s’attarder sur le reste du match de son équipe que sur ces secondes extrêmement mal maîtrisées. Mais revenons à cette conclusion folle et à ces arrêts de jeu. Le Stade Français bénéficie d’une première pénalité à une quarantaine de mètres des perches mais décide de partir en touche. Même scène quelques instants plus tard, avec un nouveau lancer à cinq mètres choisi plutôt que d’aller chercher trois points potentiels. « L’état d’esprit du staff, c’était plus de prendre la pénalité pour repartir avec le bonus défensif, admet Ian Vass, entraîneur parisien en charge des skills. Le capitaine a dit : je veux le match nul, on va prendre les deux points (au classement). Ça montre le caractère de cette équipe. » L'ESSAI EN PUISSANCE DE MELIKIDZE Cet essai transformé, permet aux Parisiens d’arracher le match nul à la 85ème minute ? @SFParisRugby #SFPR92 pic.twitter.com/k9qe8z73Oa — CANAL+ Rugby (@CanalplusRugby) December 20, 2025 La fin est connue. Sekou Macalou s’impose par miracle dans les airs sur la dernière touche, le jeu continue et le pilier géorgien Giorgi Melikidze s’arrache au milieu de trois défenseurs pour aplatir au pied du poteau gauche. Carbonel finit le boulot au pied. Jean-Bouin hurle de joie. « La fin de match est positive, on n’a pas lâché, se félicite l’ouvreur. On a pourtant senti que plusieurs fois ça tournait en notre défaveur, mais on s’est jeté comme des morts de faim sur le ballon. » Et à la fin, ça donne un nul âpre et inespéré pour Noël.