CHRONIQUE. Le Conseil fédéral avance en équilibriste dans sa nouvelle Stratégie en matière de politique de sécurité, constatant la vulnérabilité de la Suisse et envisageant une coopération un peu plus poussée avec l’UE, ce qui ne va pas sans difficulté, écrit Yves Petignat L’Europe se découvre tragiquement fragile. Et avec elle, la Suisse aussi. «Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles», écrivait Paul Valéry, au lendemain du désastre de la Première Guerre mondiale. Un siècle avant la «Stratégie de défense nationale» de Donald Trump, annonçant « l’effacement civilisationnel de l’Europe », l’auteur du Cimetière marin établissait déjà un lien entre la vitalité d’une civilisation et l’hégémonie politique. Avec cette question: «Qu’est-ce qui va périr sous le nom d’Europe», sinon l’esprit démocratique? Cette fragilité de l’Europe, qui entraîne celle de la Suisse, le Conseil fédéral ose enfin l’aborder, certes prudemment, dans sa « Stratégie de la Suisse en matière de politique de sécurité 2026 ». Avec ce constat et cet axe: «La Suisse bénéficie de l’engagement politico-sécuritaire de l’UE, de l’OTAN et de ses voisins européens. Afin que cet engagement ne soit pas unilatéral, la Suisse doit également s’impliquer». Alors que le peuple suisse sera confronté à deux décisions cruciales ces prochains mois, l’initiative «Pas de Suisse à 10 millions» et le nouveau paquet d’accords avec l’UE, le gouvernement avance en équilibriste. Le statut et la politique de neutralité ne lui laissent qu’une marge restreinte. Et à gauche comme à droite, les tenants d’une neutralité stricte le surveillent. Mais le Conseil fédéral ne s’en cache pas: «La Russie [est] une menace pour la sécurité de l’Europe». Elle oriente son économie et son armée «vers une confrontation potentielle avec des Etats occidentaux» dans un contexte d’affaiblissement du droit international. Or, constate le rapport de stratégie, comme carrefour ferroviaire, routier, aérien, comme pays de transit des réseaux électriques et de données internationales, comme place financière, la Suisse est «considérablement exposée aux attaques» , notamment hybrides (cyberattaques, drones, déstabilisation, etc.) afin de perturber les infrastructures du continent européen. Comme telle, «elle est une composante de la sécurité européenne». Voir plus