Réforme du code de la famille - reconnaissance du féminicide: Plusieurs sommités signent un manifeste et lancent "Luy Jot Jotna"

Elles sont une centaine d’organisations de la société civile et de personnalités à lancer un appel en faveur d’une réforme profonde du code de la famille mais également de la reconnaissance du féminisme. Dans leur manifeste, elles s’expliquent sur la pertinence d’aller vers cette campagne dénommée « Luy Jot Jot na.  » Elles s’appelaient Souadou Sow, Yamou Ndiaye, Sadel Sow, Kindy Bah, Diène Dia, Marie Louise Ndour, Fatou Gueye, Aissatou Ba, Coumba Dali Diallo, Khady Fall, Mariama Coulibaly, Mariama Ba, Fatou N., Mariama Keita, Khady Gueye, Mariama Sadio Diallo, Bintou Gueye. Elles étaient des femmes différentes que le destin a réunies par la même fin tragique : une mort brutale, de la main d’un mari tortionnaire ou d’une famille négligente. Elles ne sont pas les seules à avoir vécu pareil sort en 2025, mais elles sont le visage d’une violence qui n’émeut plus et qui s’est installée comme une banalité. Citer leurs noms est un acte nécessaire : c’est rappeler qu’elles ont vécu et ont existé au-delà des faits divers. Mais c’est surtout dénoncer la facilité avec laquelle leur vie leur a été arrachée. Car dans nos sociétés, la vie d’une femme peut s’arrêter pour un déjeuner non préparé ou un dîner servi avec du retard. Un féminicide n’est pas un drame conjugal. Ce n’est ni une dispute qui dégénère, ni un fait divers. Un féminicide est l’assassinat d’une femme parce qu’elle est une femme, dans un contexte de rapports de domination structurés par le genre. Il est l’expression la plus extrême de la misogynie, rendue possible par des inégalités persistantes et par l’inaction des pouvoirs publics. Les féminicides s’inscrivent dans un continuum de violences largement documenté. En Novembre 2024, l’ANSD a publié une enquête nationale de référence sur les violences faites aux femmes documentées de manière rigoureuse, à partir de données statistiques officielles. Cette enquête révèle que près d’une femme sur trois au Sénégal a subi au moins une forme de violence, physique, psychologique, sexuelle ou économique au cours des douze derniers mois. Ces violences ont lieu majoritairement dans le cadre conjugal ou familial, c’est-à-dire dans l’espace que la société continue de considérer comme privé. Ce constat est d’autant plus grave que ces réalités sont connues de l’État. Les données existent, les alertes sont posées, mais les réponses politiques restent insuffisantes. Depuis des années, les différents mouvements féministes et populaires alertent sur les mêmes réalités : la banalisation des violences domestiques, la politisation du corps des femmes, l’insuffisance des mécanismes de protection, l’absence de reconnaissance juridique et politique des violences, et le maintien de cadres sociaux et juridiques défavorables aux femmes. Ces alertes sont connues. Elles sont documentées. Pourtant, elles continuent d’être ignorées par notre société et par notre classe dirigeante. Au Sénégal, les violences qui s’exercent sur les femmes dans le cadre conjugal et familial sont encore trop souvent reléguées à la sphère privée, considérées comme secondaires, domestiques. Cette lecture est non seulement fausse, mais elle est dangereuse. Car ce qui est présenté comme isolé relève en réalité d’un phénomène systémique, produit par un climat social, juridique et politique qui tolère, invisibilise et minimise les violences patriarcales. Depuis le début de l’année 2025, plus de 17 femmes ont été tuées au Sénégal dans un cadre conjugal ou familial. Face à ce constat, une question s’impose. Si les féminicides sont le produit d’un système connu, documenté et dénoncé depuis des années, que fait l’État de cette responsabilité ? Et surtout, que vaut la parole publique lorsque les engagements annoncés restent sans effet ? Et nous posons la question clairement : à quoi servent les promesses électorales quand elles n’engagent à rien ? Nous tenons à rappeler les engagements pris par le président Bassirou Diomaye Faye dans son programme politique « Diomaye président » concernant l'autonomisation et la promotion des femmes pour une société inclusive et prospère, toujours au point mort : La mise en place de mécanismes de prévention et de lutte contre les violences basées sur le genre, en particulier les violences domestiques, à travers le renforcement des lois, des politiques publiques et des dispositifs de protection et de soutien aux victimes ; Le déploiement de programmes de sensibilisation et d’éducation visant à transformer les normes sociales et culturelles discriminatoires, promouvoir l’égalité de genre et lutter contre les stéréotypes dès le plus jeune âge ; L’autorisation de la recherche de paternité pour les femmes et les filles victimes de grossesses non désirées, avec un accès élargi aux fonds de la justice pour les tests ADN et l’accompagnement psychologique des victimes de violences sexuelles ; Le reversement systématique de la pension de la femme décédée à ses ayants droit, y compris lorsque le conjoint est un travailleur ; L’élargissement de l’autorité parentale des femmes à travers une réforme du Code de la famille sénégalais. Pendant ce temps, des femmes meurent dans des cadres que l’État continue de considérer comme privés, domestiques ou secondaires. Et pourtant, l’État sénégalais lui-même reconnaît l’existence de discriminations juridiques à l’égard des femmes. En 2017, un Comité technique placé sous l’autorité du ministère de la Justice a identifié de nombreuses dispositions discriminatoires dans le Code de la famille, le Code pénal et les textes encadrant la santé reproductive. Il s’agit d’un travail institutionnel, rigoureux, et aligné sur les engagements internationaux du Sénégal. Ce que révèle ce rapport, c’est que certaines inégalités ne relèvent pas de simples pratiques sociales, mais sont produites par la loi elle-même. Âge inégal au mariage, autorité familiale/parentale déséquilibrée, impossibilité pour la femme de faire une recherche de paternité, pénalisation quasi absolue de l’avortement, tolérance implicite du mariage forcé, autant de dispositions qui contredisent le principe constitutionne... www.dakaractu.com