Au Sénégal, la protection de l’enfant se joue dès les premiers instants de la vie. Entre zéro et trois ans, tout se construit, le développement du cerveau, la sécurité affective, la santé et les bases de l’avenir. Pourtant, des milliers de tout petits sont aujourd’hui accueillis dans des structures de la petite enfance sans normes claires, sans contrôle suffisant et sans cadre harmonisé. L’absence persistante d’un décret réglementant ces structures ouvre la voie à des inégalités profondes et à des pratiques à risque. Un enfant de deux ans ne peut ni dénoncer ni se défendre; il dépend entièrement des règles que la société choisit, ou non, de mettre en place. Cette fragilité se prolonge dramatiquement dans la rue, devenue pour trop d’enfants un espace de survie plutôt qu’un lieu de passage. Bébés exposés au soleil, enfants dormant sur les trottoirs, familles entières livrées à l’errance, ces scènes, de plus en plus visibles, interrogent la capacité collective à protéger les plus vulnérables. Aucun enfant n’est volontairement dans la rue. S’il s’y trouve, c’est parce que les mécanismes de protection ont failli, sous l’effet combiné de la pauvreté, de pratiques sociales ancrées et de réponses institutionnelles insuffisamment coordonnées. Les spécialistes de la protection de l’enfance sont unanimes, retirer un enfant de la rue n’est ni une sanction ni un acte de répression, mais un devoir de protection et de justice sociale. Encore faut-il que ce retrait soit digne et durable. Déplacer un enfant d’un trottoir vers un centre sans accompagnement social, éducatif, psychologique et juridique ne fait que nourrir un cycle de retours répétés. Sans approche communautaire, inclusive et structurée, la rue reprend ses droits, laissant des blessures profondes, visibles et invisibles. Face à cette situation, les 10 Jours d’Activisme pour la Petite Enfance se veulent un électrochoc national. Au delà de l’activisme, c’est la dignité même de l’enfant qui est en jeu. Dans un pays qui se projette vers 2050, ignorer les enfants revient à hypothéquer l’avenir. La protection de l’enfance ne peut plus être fragmentée entre ministères, ni reléguée au second plan. Elle exige une réponse forte, coordonnée et humaniste, plaçant chaque enfant au centre des politiques publiques. www.dakaractu.com