ÉDITORIAL. Le conseiller national, député et syndic a donné un incontestable élan à l’écologisme politique helvétique. Daniel Brélaz a aussi brillé par un style irréductiblement particulier. Hommage Pour un jeune journaliste, un entretien avec Daniel Brélaz avait valeur de stage. On comprenait peu son langage techno-politique, et mieux valait rouler ses questions sept fois dans sa bouche avant de parler sous peine de remise à l’ordre, avec toussotements grondeurs. Daniel Brélaz incarnait une ère politique où le savoir – scientifique, dans son cas – avait valeur d’argument. Ce temps-là semble bien lointain. Le Lausannois partageait avec la figure tutélaire Yvette Jaggi une approche parfois cassante, pouvant être jugée arrogante. Sans doute la dissimulation d’une timidité et l’affirmation d’une impatience d’être, d’agir sans freins ni scories. Et le Gargantua de Lausanne en a permis, des avancées. La multitude d’hommages, de tous bords politiques, rendus dimanche sur les réseaux montre à quel point le conseiller national écologiste, député et syndic a marqué son temps, durant sa longue carrière, forçant le respect sur l’ensemble de l’arc politique. En créant cette stupéfiante première mondiale, un élu vert dans un parlement national en 1979, il a électrisé un mouvement écologiste qui balbutiait encore entre ses chapelles. En gagnant la Municipalité de Lausanne, il a encore planté un premier drapeau. Avec une solidité intellectuelle jamais prise en défaut – même si l’on pouvait discuter ses choix –, il a charpenté le parti à venir, sans toutefois pouvoir éviter les clashs de rösti, en particulier concernant l’Europe. Par la suite, il a couvé – freiné, disaient les impatients – une génération entière de politiciennes et politiciens. Lire aussi: Mort de Daniel Brélaz, le «géant vert» de la politique suisse Les laboratoires du Flon et du M2 Dans sa ville, qu’il arpentait avec sa démarche d’ogre goguenard, il a multiplié les audaces tout en serrant les cordons de la bourse. C’est sous cet écolo que l’inouïe expérience du quartier privé du Flon a été conduite; et dans la ligne de ses engagements, avec le radical Olivier Français, c’est sous son règne que l’unique métro automatique de Suisse a été plébiscité dans les urnes au niveau cantonal, ce qui n’avait rien d’acquis. La bonhomie et l’autodérision ne représentent pas vraiment des qualités politiques, et pourtant, il en a usé pour ses causes. Ce fut sa modernité: se constituer en marque politique personnelle. Avec Daniel Brélaz, il est difficile de démêler l’irréductible originalité du personnage des leçons qu’il pourrait nous donner. Alors que les alliances ronronnantes avec le PS sont devenues la routine des Vert·e·s, le parti devrait sans doute se souvenir de l’édification d’une écologie politique qui devait justement se distinguer du parti de la rose, voire s’y opposer. Mais aussi, le grand écart constant du géant, des hautes sphères fédérales aux discussions de trottoir avec les Lausannois, garde une valeur de modèle. Lire aussi: Les Vert·e·s à l’aube d’une mue importante