« Management toxique », « cris » et « humiliations » : l’avocat Emmanuel Pierrat renvoyé en correctionnelle pour harcèlement moral

L’avocat Emmanuel Pierrat est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour harcèlement moral au préjudice de cinq personnes, a indiqué ce mardi le parquet de Paris, sollicité par l’AFP. Son ancienne associée, l’avocate Sophie Viaris de Lesegno, est elle renvoyée pour complicité de harcèlement moral. Une audience de mise en état pénale se tiendra le 4 février. Il est reproché à Emmanuel Pierrat d’avoir entre les 1er octobre 2015 et 31 mai 2021 harcelé ces personnes par des « propos ou comportements répétés, excédant l’exercice normal du pouvoir de direction, ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel », selon le parquet. L’avocat aurait hurlé sur les victimes, dénigrant leur travail, les insultant et leur tenant des propos humiliants. Il est reproché à Sophie Viaris de Lesegno d’avoir été complice de ce délit en l’aidant via une surveillance par exemple ou en n’intervenant pas pour faire cesser les situations de harcèlement moral, dont elle était témoin directe, et en n’alertant pas les autorités compétentes. En tant qu’associée du cabinet, elle avait en effet l’obligation légale de prendre toutes dispositions nécessaires, a souligné le parquet. Au total, 38 membres du cabinet entre 2007 et fin 2023 ont été entendus. « Toutes ces personnes ont dénoncé, avec des nuances, un management toxique, une ambiance délétère marquée par les cris et les humiliations, une tension permanente et une absence de formation des nouveaux venus », a expliqué le ministère public. Peur, injures et mépris Cinq anciens collaborateurs ont souhaité se constituer partie civile. L’expert psychologue a constaté la dégradation de leur état de santé, ayant entraîné des incapacités de travail de 8 à 10 jours, selon le parquet. Contacté par l’AFP, Me Pierrat a menacé d’attaquer en dénonciation calomnieuse une des plaignants, a fait valoir au sujet d’un autre que la période serait prescrite et au sujet d’une troisième qu’elle a continué à lui envoyer des « messages amicaux durant deux ans après son départ ». Il a par ailleurs indiqué entendre « poursuivre en diffamation toute insinuation attentatoire à (son) honneur et à (sa) considération ». L’avocat, également romancier, essayiste et collectionneur d’art, a défendu plusieurs personnalités du monde de la culture, dont l’écrivain Gabriel Matzneff , accusé de pédocriminalité, ou le plasticien Claude Lévêque, soupçonné de viols sur mineurs, mais aussi l’ex-écologiste Denis Baupin , accusé de violences sexuelles. Dans une enquête publiée par Libération en février 2021, une vingtaine de personnes ayant travaillé auprès de l’avocat avaient décrit un climat de peur, d’injures et de mépris. Dans un long droit de réponse, Me Pierrat avait indiqué « contester avec la plus grande fermeté les accusations portées ». Dans une procédure disciplinaire parallèle sur ces faits de harcèlement, Me Pierrat a été condamné en appel en mars 2023 à dix-huit mois d’interdiction d’exercice, dont six mois assortis du sursis. Le conseil de discipline de l’ordre des avocats au barreau de Paris l’avait condamné en juillet 2022 à deux mois ferme d’interdiction d’exercice , une décision jugée « trop clémente » par la bâtonnière d’alors, Julie Couturier, qui avait fait appel. La juridiction en appel avait reconnu « un comportement agressif, insultant et humiliant revêtant un caractère pérenne et systémique » et relevé « l’absence préoccupante de prise de conscience de la situation par M. Pierrat ».