Pour son année de présidence, Guy Parmelin s’est tourné vers les étudiants du Centre d’enseignement professionnel de Vevey pour orchestrer la photographie officielle du Conseil fédéral. Une confiance envers la jeune génération qui prend sa place dans la composition finale Président pour l’année à venir, l’UDC Guy Parmelin avait le choix du photographe et du principe. A la tête du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la jeunesse (DEFR), il a tenu à mettre en avant la jeune génération et à lui témoigner sa confiance. Il a confié la réalisation de l’image à quatre étudiants en photographie du Centre d’enseignement professionnel de Vevey (CEPV): Nathan Bugniet, Eileen Fraefel, Samantha Keller et Léo Margueron. Ces derniers ont fait poser les sept conseillers fédéraux et le chancelier de la Confédération Viktor Rossi dans le salon de la présidence, juste à côté de la salle du Conseil fédéral, dans laquelle le collège se réunit régulièrement à huis clos. Sous un luxueux lustre, les sept sages alignés font face à l’objectif. Le président se trouve au centre de la composition, comme le veut la tradition. Les deux femmes du collège, Karin Keller-Sutter et Elisabeth Baume-Schneider, côte à côte, apportent avec leur veston un peu de couleur à ce tableau plutôt classique. La photo officielle 2026 du Conseil fédéral. Moins de mise en scène Le nouveau portrait du Conseil fédéral semble plus littéral que les précédents. On est loin des mises en scène de ces dernières années, comme la superposition de visages en mosaïques pour la photo 2025 sous la houlette de Karin Keller-Sutter, ou encore des coulisses d’un club de jazz en 2020 (voir plus bas). Avec Guy Parmelin, exit les métaphores. Celui-ci avait déjà proposé un retour aux fondamentaux lors de sa première présidence en 2021 qui distinguait le Palais fédéral en arrière-fond. Quatre ans plus tard, le message est le suivant: «Collégialité et confiance dans la jeune génération», titre le communiqué de la Chancellerie. «Le produit final est un portrait tout en authenticité» du collège gouvernemental, lit-on. Ses sept membres et le chancelier de la Confédération n’ont pas été photographiés séparément, mais ensemble. Toutefois, la photo officielle résulte d’une superposition d’images et de scènes: on peut ainsi observer au second plan les quatre étudiants à la tâche. L’un tire un rideau, deux autres mettent en place la lumière, tandis qu’une quatrième semble travailler sur la postproduction dans une pièce voisine, assise à un bureau. Ils mettent ainsi en scène le processus d’élaboration… et rajeunissent l’âge moyen de la scène. Celui du Conseil fédéral (sans compter le chancelier) est de 62 ans, et Guy Parmelin, avec ses 66 ans, se trouve être le doyen. Lire aussi: Le réel, ou un photojournalisme à défendre et des imaginaires à créer Les onze précédentes photos officielles ■ 2025: Dans le peuple © Chancellerie fédérale/Arthur Gamsa En 2025, le gouvernement s’est inscrit dans une myriade de visages. 1052 portraits, est-il précisé, autant de facettes du pays et de sa population. Présidente pour l’année à venir, Karin Keller-Sutter avait le choix du photographe et du principe. Dans un explicatif assez laconique en comparaison à ses prédécesseurs, qui aimaient broder autour de l’image, elle indique avoir voulu illustrer le fait que «le peuple participe aux décisions démocratiques et décide. Le Conseil fédéral agit dans l’intérêt populaire.» Pour inscrire les sages dans la populace, le photographe saint-gallois Arthur Gamsa, qui travaille pour plusieurs journaux alémaniques dont la NZZ et le Tages Anzeiger , a réalisé une tournée nationale. Dans chacun des 26 cantons, il a saisi au moins 40 personnes qui jouaient le jeu. Nicolas Dufour Lire aussi: Sur sa photo officielle 2025, le Conseil fédéral s’impose dans un pêle-mêle national ■ 2024: Au-dessous de la montagne © Chancellerie fédérale/Sina Guntern Pour l’an 2024, Viola Amherd avait fait venir la montagne dans le Palais fédéral. La photo a été prise dans l’aile est du Palais, avec une toile figurant quelques montagnes emblématiques du pays, le Cervin trônant en majesté. L’œuvre elle-même tient de l’artisanat, la photographe a composé le panneau avec du film, du carton, du bois et du tissu. Dans la présentation, elle indique que «les conseillers fédéraux dirigent l’ensemble du pays depuis le Palais fédéral. C’est pour cela que j’ai voulu faire venir à eux des montagnes de toutes les régions de Suisse.» Puissant gouvernement pour qui, contrairement à Mahomet dans le proverbe («Si la montagne ne vient pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne»), les montagnes viennent vraiment à lui… Viola Amherd a précisé avoir voulu un «jeu d’ombre et de lumière» qui «illustre des vertus typiquement suisses». Sous les monts, l’équipe gouvernante marchait résolument – sauf Ignazio Cassis, qui semble un peu raide –, mais pour aller où? N. Du. ■ 2023: La Cène du Christ Berset, avec des feuilles qui volent © Chancellerie fédérale/Matthieu Gafsou A la reconsidérer après coup – et donc, après le départ d’Alain Berset –, la photo de 2023 avait vraiment quelque chose de christique, voire testamentaire. Le président de la Confédération, pour la seconde fois, l’avait commandée au photographe vedette Matthieu Gafsou. Résultat, une Cène façon administration fédérale, avec le Jésus fribourgeois à l’écoute des apôtres. Le communiqué indiquait que le photographe «s’est inspiré de la peinture de genre du 17e siècle et de l’école photographique de Düsseldorf». Une école qui prônait une forme d’objectivité et refusait l’idée de la capture de l’instant précis chère à certains photographes fameux, dont Henri Cartier-Bresson. Autour du président PS s’affairent ses collègues. Presque tous sont tournés en direction du chef, aux exceptions notables de Karin Keller-Sutter et de la camarade socialiste Elisabeth Baume-Schneider. Les feuilles des dossiers volant en tous sens ont marqué les esprits, image de volatilité du monde – ou de celle des décisions du collège? N. Du. Notre lecture d’alors: … Et que volent les feuilles… ■ 2022: La variante tchoutchou © Chancellerie fédérale/Stefano Spinelli Pour la cuvée 2022, l’image officielle montrait le collège debout sur une carte ferroviaire du pays, animée par les principales voies nationales. Sur cet échiquier géographique, chaque conseillère fédérale et conseiller fédéral se situe dans sa région d’origine. On y relevait le poids du Plateau sur le pays. L’axe sud-ouest – nord-est, qui commence avec Guy Parmelin sur sa Côte vaudoise et bute sur Karin Keller-Sutter à Saint-Gall, fournit la grande majorité des dirigeants fédéraux. Viola Amherd, dans ses montagnes du Haut-Valais, et justement Ignazio Cassis, sous le soleil tessinois, ont l’air un brin isolés sur cette représentation politico-ferroviaire. N. Du. Notre analyse hautement géopolitique: La photo 2022 du Conseil fédéral montre le poids géopolitique du Plateau ■ 2021: Le retour au Palais © Chancellerie fédérale/Markus Jegerlehner Au seuil de 2021, Guy Parmelin avait imposé un retour aux fondamentaux . Alors que l’année avait été ravagée par le nouveau virus, le Conseil fédéral donnait une photo avec un message sous-jacent: on se retranche dans la vénérable Berne fédérale. Le collège, le Palais fédéral, du sérieux. Pas du jazz comme en 2019. Guy Parmelin avait mandaté le photographe Markus A. Jegerlehner. L’image avait nécessité l’emploi d’un drone – et donc d’une «autorisation spéciale», avait précisé la Chancellerie. L’essentiel est dans l’angle de vue un peu particulier qu’elle offre sur le Palais des Chambres, note le photographe: «Cette perspective inhabituelle doit inviter à poser un nouveau regard sur un sujet déjà connu», notait-il. Guy Parmelin arguait qu'«il est important, en ces temps difficiles, que nous portions ensemble un nouveau regard libre de préjugés sur ce qui nous semble immuable». N. Du. ■ 2020: Le club de jazz Bern 10.12.2019 - BR neu Hintergrund Stadttheater. © Annette Boutellier — © Chancellerie fédérale/Annette Boutellier Pour la photo 2020, les sept Sages avaient posé dans les coulisses d’un club de jazz, sur le mode musical, avec sur un côté un instrument dans un étui qui a alimenté bien des théories. «Un septuor bien accordé» était la formule mise en avant pour résumer le propos, dû à Simonetta Sommaruga avec les photographes Annette Boutellier et Yoshiko Kusano. N. Du. ■ 2019: La photo polémique © Chancellerie fédérale/Des apprentis de l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication En vue de 2019, au seuil de la présidence Maurer, le gouvernement s’était montré dans une esthétique rappelant le dessin animé La Linea , avec ces symboles en silhouettes, à plat, mêlant la croix nationale, le Palais fédéral et, bien sûr, la fondue – quoi d’autre? L’originalité de la pose résidait dans le fait qu’elle était réalisée face à des représentants de la population, aux crânes visibles à l’image. Un curieux mélange de rapprochement vers les vraies gens et d’une certaine abstraction. A ce propos: Sur sa photo officielle, le Conseil fédéral photographie le peuple Cette photo 2019 a par ailleurs suscité la polémique , car sa réalisation a été attribuée par Ueli Maurer, commanditaire, à des apprentis médiamaticiens, qui devaient travailler avec un téléphone. Protestation des photographes professionnels. Leur association, Photojournalistes suisses, a déploré le fait que l’image 2019 du Conseil fédéral «donne l’impression qu’une photo se réalise par un simple clic-clac avec un smartphone et que ce travail ne vaut pas la peine d’être reconnu». Photographier est «un métier» qui demande de vraies connaissances, du matériel, du temps, de la créativité et de l’expérience, ont-ils souligné. N. Du. ■ 2018: Le toit du Palais qui saute en l’air © Chacellerie fédérale/Stéphane Schmutz, Michel Cotting Pour l’image 2018, le collège a encore défait les pronostics, cette fois avec de l’animation. En représentation assez classique, chacun son attitude, tous en noir, les ministres se présentaient devant une fresque du pays dont certains éléments étaient vivants, un train sortant d’un tunnel, une télécabine et un sapin qui chante, et même le toit du Palais fédéral qui danse. Quelle folie, à Berne. N. Du. A ce sujet: En 2018, le Conseil fédéral s’anime… ou presque ■ 2017: Pop rock © Chancellerie fédérale/Beat Mumenthaler Parmi les grands crus récents, on peut citer la session 2017, fomentée alors par Doris Leuthard avec le photographe biennois Beat Mumenthaler. Des têtes comme des pop-up en noir et blanc, un air de cinéma ou de photo de rock, avec encore ces silhouettes en dessous, comme un modeste rappel de la lourdeur de la corporéité face aux esprits supérieurs que sont les sept Sages: la photo a surpris . N. Du. ■ 2016: Les temps modernes © Chancellerie fédérale/Edouard Rieben, Nina Líška Rieben Ambiance de machines, de piston et de turbines en 2016, autour de Johann N. Schneider-Ammann, qui réussissait alors à clamer son amour pour l’industrie et l’économie au sens général. L’entouraient Alain Berset, Didier Burkhalter, Doris Leuthard (qui était vice-présidente), puis Ueli Maurer, Simonetta Sommaruga, Guy Parmelin et le chancelier Walter Thurnherr. N. Du. ■ 2015: Gaston, y a le téléfon… L’ambiance de 2015. — © Chancellerie fédérale/Christian Grund, Maurice Haas Pour l’année 2015, l’image officielle a aussi frappé les esprits des amateurs du genre, avec cette pose mi-animée, mi-figée, et surtout, cet invraisemblable téléphone en bakélite au fond à gauche, d’un âge que même les ministres n’avaient pas connu – ou peu d’entre eux. Dans ce restaurant à fondue, Didier Burkhalter, Johann Schneider-Ammann, Eveline Widmer-Schlumpf, Doris Leuthard, Ueli Maurer, Simonetta Sommaruga, Alain Berset et la chancelière Corina Casanova. N. Du.