Passe-droit ou procédure « classique » ? Comment George Clooney et sa famille sont devenus Français

Au milieu de dizaines de patronymes inconnus, en voilà un qui détonne sur le Journal officiel du 27 décembre : Clooney. Le monde entier connaît le nom de cet acteur américain devenu égérie d’une marque de café. Le voir figurer dans la rubrique « Naturalisations » semble presque irréel. C’est pourtant bel et bien le cas : George Clooney, son épouse Amal, et leurs enfants, Alexander et Ella, sont désormais français . Leur affection pour l’Hexagone ne date pas d’hier . Le comédien de 64 ans et l’avocate libano-britannique ont posé leurs valises à Brignoles (Var) en 2021, avec la volonté de fuir les États-Unis à la sauce Donald Trump et de protéger leurs jumeaux de huit ans des flashs des paparazzis. Moyennant quelque six millions d’euros, ils y ont acquis le domaine du Canadel , une propriété étirée sur 170 hectares incluant une bastide du XVIIIe siècle, un court de tennis, une piscine, des fontaines, un lac, etc. Comment les Clooney ont-ils donc obtenu la nationalité française ? En principe, plusieurs conditions doivent être réunies pour décrocher le précieux sésame. « Le premier critère, c’est qu’il faut être en situation régulière en France depuis un certain nombre d’années, soit cinq ans de manière classique, pose auprès du Parisien Me Parfait Masilu, avocat en droit des étrangers au barreau de Seine-Saint-Denis. Il y a une condition d’intégration, de ressources, d’assimilation à la société française. Il faut aussi ne pas avoir de souci avec la justice. » Aujourd’hui, le demandeur doit en outre présenter un niveau de français B1, tiré du Cadre européen de référence pour les langues, et se rendre à un entretien individuel avec un agent préfectoral. Un échange d’une trentaine de minutes lors duquel le candidat est testé sur sa maîtrise du français, son adhésion aux valeurs de la République, sa connaissance de l’histoire et de la culture du pays. Les règles seront durcies à compter du 1er janvier 2026 : le demandeur devra justifier d’un niveau B2 et répondre à un QCM, en plus de l’entretien en préfecture . La lettre de Jean-Noël Barrot à Beauvau Aussi bien en termes de temps écoulé depuis son installation en France que de maîtrise de la langue de Molière — il le reconnaît lui-même —, l’acteur ne cochait a priori pas l’ensemble des cases pour acquérir la nationalité française via un parcours classique. En réalité, le réalisateur et l’avocate ont bénéficié d’une procédure d’exception, facilitée par le concours du ministère des Affaires étrangères, indique le Quai d’Orsay au Parisien ce mercredi, confirmant une information de Politico . Le 20 octobre, Jean-Noël Barrot, le chef de la diplomatie française, a adressé un courrier à l’attention du ministère de l’Intérieur. Un document consulté par nos confrères, dans lequel il plaide pour une naturalisation de la famille de l’acteur, arguant que George et Amal Clooney participaient « de manière éminente au rayonnement culturel, intellectuel et humanitaire de la France » par leurs activités respectives « d’acteur, réalisateur et producteur » et d’« avocate de renom ». « Leur engagement pour les valeurs humanistes, la liberté d’expression et la défense du droit international rejoint profondément les principes portés par la diplomatie française », écrit encore Jean-Noël Barrot dans cette missive au ton laudateur. Le Quai d’Orsay fonde sa requête sur l’article 21-21 du Code civil , selon lequel ledit ministère peut attribuer la nationalité française « à tout étranger francophone qui en fait la demande et qui contribue par son action émérite au rayonnement de la France et à la prospérité de ses relations économiques internationales ». Respectivement fondateurs de Telegram et Snapchat, Pavel Durov et Evan Spiegel en ont également bénéficié par le passé. S’agissant de George et Amal Clooney, « ils ont suivi une procédure rigoureuse allant entre autres des enquêtes sécuritaires, aux entretiens réglementaires de naturalisation en préfecture, en passant par l’acquittement des timbres fiscaux », précise le ministère des Affaires étrangères au Parisien, assurant que « la situation de M. et Mme Clooney répond aux conditions fixées par la loi ». Leurs enfants, eux, ont bénéficié de « l’effet collectif de la naturalisation », précise Me Parfait Masilu. « Jusqu’à dix cas par an » Spécialiste du droit de l’immigration, Me Parfait Masilu considère néanmoins que l’ensemble des critères n’était pas respecté. George Clooney n’est pas réellement francophone, fait valoir le conseil, bien que le comédien concoure au rayonnement de la France. A contrario, sa compagne parle la langue de Molière, mais sa contribution à l’image du pays où elle s’est installée est plus discutable. L’avocat l’assure, « oui, George Clooney a bénéficié d’un passe-droit, d’une procédure qui est très rare, jusqu’à dix cas par an ». « On est sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration », résume Me Parfait Masilu, qui s’étonne d’autant plus de voir les deux candidats obtenir un entretien en l’espace de deux mois quand, « d’une manière générale, on est sur 18 mois d’instruction pour un dossier classique ». « Vu les délais rapides d’instruction de sa demande et son absence de maîtrise de la langue française, cela me semble impossible » que George Clooney ait franchi toutes les étapes du parcours vers la naturalisation, estime le conseil séquano-dionysien. Des interrogations jusque dans le gouvernement Visiblement pas informée de la lettre de Jean-Noël Barrot, Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, avait fait part ce mercredi matin de son étonnement sur les ondes de franceinfo face à la naturalisation des Clooney. « À titre personnel, je peux comprendre l’appréciation de certains Français sur ce sujet du deux poids, deux mesures », a-t-elle déclaré, affirmant qu’elle « ne mesur(ait) pas » si l’acteur avait joui d’un passe-droit. Et d’ajouter : « Je ne m’engage qu’à titre personnel. J’aimerais connaître et (je) vais voir l’entièreté de la procédure, parce que je pense que ce n’est pas le bon message qui est envoyé. » Désormais français, George et Amal Clooney pourront voter dès les élections municipales de mars prochain, à condition qu’ils effectuent une demande de carte d’électeur dans les délais impartis. L’homme originaire du Kentucky pourrait-il un jour embrasser une carrière d’élu local dans son nouveau pays ? Didier Brémond, maire de Brignoles, répond à cette question pour lui avec humour au micro d’ Ici Provence : « Ça ferait un très bon adjoint à la Culture. »